Dissertation sur Hadassa de Myriam Beaudoin

Publié le par jumellesloupes

Avec l'avènement de la radio et de sa diffusion facile d'accès, une ouverture sur le monde plus grande a pu être observée. Ainsi, l'homme qui autrefois n'avait aucune connaissance sur les autres pays, et parfois même ignorait ce qui se passait dans la ville voisine, arrivait avec la radio à apprendre davantage sur les autres cultures et les autres modes de vie. L'historien Eric Hobsbawm affirme d'ailleurs que la radio a vraiment connu la popularité en 1929, onze ans après la Première Guerre mondiale, touchant près de dix millions de foyers aux États-Unis. Ce nouveau média a accéléré la vague d'immigration, en faisant un phénomène, non plus un cas isolé. Mais cette vague d'immigration a apporté son lot de problèmes, dont l'un des plus importants est celui de l'intégration des peuples immigrés aux peuples d'accueil, sujet dont traite le roman Hadassa de Myriam Beaudoin, écrit en 2006, et le documentaire la Génération 101 de Claude Godbout, réalisé en 2007. Ce que nous montrent ces deux œuvres bien différentes, c'est que l'école est loin d'être un lieu où l'ouverture à l'autre est privilégiée. Il sera vu que les peuple immigrés restent attachés très profondément à leurs racines culturelles au point d'en oublier les autres. Mais en plus de les «oublier», ils se font une idée erronée de la culture d'autrui, et vont même jusqu'à mépriser ces autres cultures.

 

Premièrement, on peut voir à travers le documentaire et le roman que les peuples immigrés restent très fortement attachés à leur culture, au point d'en oublier les autres modes de pensée, volontairement ou pas. En effet, une élève immigrante interrogée dans le documentaire La Génération 101à propos de son intégration aux autres cultures, répond qu'elle pense «que [les] parents sont un obstacle. Mais comme qu'ils sont nés dans un pays ailleurs, ils nous apprennent qu'est-ce qu'y se passe là-bas, pour que nous on comprenne comment être.» Ainsi, elle explique qu'au lieu de faire en sorte que les enfants s'intègrent à leur contrée d'accueil, les parents font en sorte qu'ils soient le plus près possible de leur terre natale, ou du moins d'origine. Le fait de vouloir leur donner une attache à ce pays n'est pas en soi une mauvaise chose et est même un but louable, mais le résultat est négatif davantage que positif, car cela résulte en une intégration beaucoup plus difficile, en raison de l'éducation donnée à l'enfant en dehors de l'école et qui opère une fermeture d'esprit face aux autres cultures. On peut également voir dans Hadassaque les élèves, éduquées par leurs parents à propos d'Israël, n'ont d'intérêt que pour ce pays, tel que l'explique Alice, qui «enseign[e] le fleuve Saint-Laurent, l'Atlantique, le Pacifique, l'océan Indien, les continents et leur dérive, [elle] montr[e] Montréal, la province, le pays[...] [Elle] [doit] interrompre l'exposé, déconcentrée par dix élèves qui maint[iennent] leurs torses étirés et leurs mains tendues: ''Où est Israël, madame?''»(p.:92) Alice, tente d'enseigner, à travers la géographie, la situation présente des élèves, et donc de leur ouvrir l'esprit sur le monde, mais, l'éducation étant déjà faite par les parents, il est presque impossible pour l'enseignante de créer cet état d'ouverture d'esprit chez les élèves, qui ne pensent qu'à leur propre pays. Et on peut voir, à travers l'énumération des océans, des lieux, etc. qu'elle met beaucoup d'efforts mais qu'ils sont malheureusement vains. Ainsi, l'école, malgré toutes ses tentatives pour intégrer les élèves à leur culture d'accueil, pour leur ouvrir l'esprit, etc., n'atteint pas son but, car l'attachement au pays d'origine créé par les parents et la culture extra-scolaire sont si forts que l'on en oublie de considérer la culture des autres.

 

Deuxièmement, on peut voir que malgré l'école et l'éducation qu'ils reçoivent, les enfants de culture étrangère se font une idée erronée des gens qui sont différents d'eux. Ils entretiennent certains préjugés par rapport aux autres cultures, Dans Hadassa, par exemple, lorsque Yitty découvre qu'un pays existe portant le même nom qu'une de ses camarades de classe, elle ne peut s'empêcher de s'exclamer:«''Libby, tu as un pays qui a ton nom! Un pays d'Afrique!!'' La tignasse de feu, qui jusqu'alors était restée assise, hésitante, approch[e] l'œil, puis l'instant suivant par[ai]t effrayée. Près de l'armoire, les petits drapeaux, qui associ[ent] africains à esclaves, se moqu[ent] à demie-voix.»(p.:93) Ce genre de pensée, qui associe les gens ayant un certain caractère à une certaine situation sociale, tel qu'il est ici montré, est bien présent dans la société, tout particulièrement à l'école. La preuve, c'est que malgré tout, ces préjugés persistent dans l'esprit des enfants malgré les tentatives d'Alice à les néantiser. On peut supposer que tout de même, suite à la période scolaire et à l'éducation, ce genre de pensée n'a plus lieu d'être et n'est effectivement plus présent, mais lors de l'écoute de la Génération 101, on peut aisément se rendre compte que cela est utopique, car Daniel Russo Garrido, artiste qui a eu, naturellement, un passage à l'école et un apprentissage, entretient certains préjugés face à sa culture d'accueil: «Ben la culture québécoise, c'est vaste. J'pense qu'un québécois c'est quelqu'un qui aime sa terre, qui parle français... pis ça s'arrête là.» Le fait de n'associer à la culture québécoise que deux traits est un préjugé, une simplification n'ayant pas lieu d'être. Donc malgré l'école et ses efforts, il est évident que ce milieu n'est pas favorable à l'ouverture à l'autre en raison des préjugé qu'il n'aide pas ou très peu à enrayer.

 

Troisièmement, on peut voir dans les deux oeuvres que l'école n'est pas un lieu d'ouverture à l'autre, car malgré tout, les élèves méprisent les autres cultures et les considèrent inférieures. Dans le documentaire, on peut voir ce méprit lorsque l'on nous raconte la venue de la troupe de danse à l'école Mont-royal, activité où la troupe interprétait des danses de chaque culture, et qu'à chaque danse, on se levait et ovationnait, excepté lors de la danse québécoise, où l'on a hué, causant un malaise dans le personnel scolaire et la troupe de danse. Le personnel voulait sûrement plaire aux élèves et leur montrer à quel point toutes les cultures pouvaient s'emboîter et former un tout harmonieux à travers la danse, mais ce qui est survenu est tout le contraire. On peut voir poindre un semblable caractère dans Hadassa, alors qu'«à part Hadassa et Yitty qui ne remu[ent] pas, les filles se ru[ent] sur les cartes afin de chercher les pays des ancêtres juifs, et plus tard, le pays des arabes.» (p.:93) L'école n'arrive ici pas à créer l'ouverture sur le monde qu'elle souhaite, et fait même renforcer le sentiment d'appartenance à la contrée natale et le mépris envers l'autre. En effet, le fait que l'auteure utilise la périphrase « le pays des arabes» pour faire parler les enfants, et le fait qu'elle soit mise en italique prouve que les jeunes filles juives éprouvent du dégoût à le dire et méprisent ces arabes qui ont une religion inférieure.

 

En conclusion, nous avons pu voir que malgré le fait que l'école essaie avec ferveur de créer une ouverture à l'autre chez les élèves, ce qui survient généralement est le contraire en raison du fait qu'à leur arrivée à l'école, les enfants sont déjà éduqués par leurs parents qui entretiennent des préjugés sur les autres cultures, et que suite à l'apprentissage scolaire, les enfants entretiennent à leur tour ces préjugé. Finalement, ils vont même jusqu'à les considérer inférieures et les mépriser. À l'instar du roman De l'amour et autres démonsde Gabriel García Márquez, qui parle aussi du préjugé à propos de ce qui nous est étranger, on peut voir que, malheureusement, tous les efforts fournis afin de briser la peur et le mépris de l'inconnu se soldent par un échec.

Publié dans Écrits académiques

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